Retour sur la journée pro Ora maritima « Accueillir et valoriser la biodiversité et les EnR »
Jeudi 28 novembre dernier, le Syndicat mixte du bassin de Thau organisait une journée pro Ora maritima sur le thème « Accueillir et valoriser la biodiversité ». Temps fort de cette journée, la présentation du bâtiment de la société Izuba à Fabrègues (bâtiment à énergie positive en voie de devenir un bâtiment à biodiversité positive) a retenu toutes les attentions.
Patricia Fosse, participante à la journée nous offre ce compte-rendu de la visite. Un grand merci à elle pour cette contribution !
« Le jeudi 28 novembre 2019, le Syndicat Mixte du Bassin de Thau organisait une journée pro Ora Maritima sur le thème « Accueillir et valoriser la biodiversité et les énergies renouvelables. » Aux environs de 9 heures un petit groupe de cinq personnes partent de Sète en co-voiturage à destination de Fabrègues. Sur la Zac du Collège apparaît une construction remarquable qui fait encore figure de pionnière dans le monde des sociétés tertiaires. Pourtant son inauguration date déjà de 2015. Il s’agit du siège de la société « Izuba énergies », un bâtiment bioclimatique dit à énergie positive, c’est à dire qu’il produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. La construction de deux étages s’étend sur 424 m². Elle héberge une équipe de 15 professionnels. Un accueil café convivial a lieu dans la salle de formation où nous nous installons. Stéphanie Gautier ingénieur chez Izuba depuis 12 ans et chargée du suivi de ce projet architectural nous en expose les tenants et aboutissants. Le mystère technique qui rend possible l’étonnant bilan énergétique positif de ce bâtiment réalisé par l’architecte Vincent Rigassi, commence à s’éclaircir.
Historique et activité actuelle de l’entreprise :
La société coopérative Izuba énergies créée en 2001 est issue de l’association Gefosat, ayant œuvré 40 ans dans le domaine de l’énergie. Quatre salariés ont créé cette SCOP. (Société COopérative de Production). Une première implantation du bâtiment sur l’écosite de Mèze n’a pas abouti. Le projet a été déplacé à Fabrègues où il s’est concrétisé. L’activité d’Izuba énergies consiste en la création de logiciels de simulation énergétique et environnementale de bâtiments pour les bureaux d’étude, d’outils de conception de bâtiments et de
formation de professionnels. Elle travaille avec l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) et le gouvernement.
Ses principes inspirés de la démarche Négawatt (https://www.negawatt.org/) sont : la sobriété, l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables. La sobriété est pensée dès la conception. Ce bâtiment précurseur est déjà engagé dans une orientation 2040-2050.
La conception bioclimatique du bâti
La première chose à prendre en compte est l’emplacement où se trouve la construction. Une construction située à Fabrègues ne ressemblera jamais à une construction située dans un village breton (par exemple). Suit sa compacité pour limiter la déperdition énergétique, son orientation et la disposition des pièces selon leur usage. Le bâtiment est fabriqué en bois et paille compactée et emboîtée. Bien plus solide que la maison des trois petits cochons ! Le mur est de l’épaisseur du caisson sur la photo ci-jointe. On y aperçoit la paille par transparence. Il n’y a pas de béton, pas de parpaing dans les murs c’est pourquoi cette structure est qualifiée de « légère ». Pour faire de la masse le mur porteur intérieur est en briques de terre crue sur toute la hauteur. Les cloisons sont des lattes en bois ajourées remplies de terre. La présence de bois et de terre rappelle la composition des anciennes maisons à colombages.
Le choix de matériaux
Les matériaux ont été choisis pour leur proximité et leur faible impact environnemental. A la manière des oiseaux résidents qui construisent leur nid à partir de matériaux collectés dans leur environnement proche. A signaler quand même la présence d’un oiseau migrateur importateur dans les espèces répertoriées.
– Ossature bois paille Montélimar 180km
– Enduit terre Uzès 90 km
– Briques de terre crue Tarn 200 km
– Module Photovoltaïque Toulouse 230 km
Pour le silicium il n’y avait pas le choix il provient de Chine où les usines sont alimentées au charbon. C’est le grain de sable dans le rouage de la construction d’un bâtiment idéalement « vert ». Pour produire du silicium métallurgique, le sable est chauffé à 1700 °C dans des fours où il est mis en réaction avec du carbone. Cependant l’industrie du panneau photovoltaïque représente une part infime du sable extrait, moins
de 1 % de la consommation mondiale de silicium. Le panneau photovoltaïque en lui-même est une invention certes efficace mais totalement technologique, synthétique et coûteuse en énergie de fabrication. Il est entièrement recyclable au bout d’une durée de vie d’environ 25 ans.
Au sol la chape sablée initiale a été récemment recouverte par du carrelage plus résistant à l’usure. Chaleur ou fraîcheur selon la saison
Surprenant et performant avec son double emploi, le même système économique assure le chauffage et le rafraîchissement. Les futures consommations du bâtiment ont été modélisées de façon fine. On essaie de ne pas avoir à éclairer dans les bureaux. La simulation thermique est
dynamique c’est à dire variable en fonction des saisons, des heures de la journée et de l’utilisation des pièces.
Les bureaux ont été situés plein sud pour la lumière et la chaleur, alors que la salle de formation se situe au nord. La climatisation est présente, elle s’utilise à partir de 26 °C.
Le stockage et les sanitaires est aussi au nord (la salle serveur). Les lames extérieures jouent le rôle de brise soleil. Elles participent du compromis pour laisser ouvert tout en ayant un système anti-intrusion. De plus chaque fenêtre est équipée de stores motorisés et inclinables pour réguler la lumière. Ces protections sont réglables manuellement. Au-dessus des portes d’entrée des pièces, des impostes (ces vasistas de nos anciennes salles de classe) modulent le flux d’air.
Les dispositifs techniques
Le rendement est de 80 % , l’énergie est donc en grande partie récupérée. La moindre consommation d’énergie repose sur plusieurs techniques associées. De bas en haut, un peu comme dans l’histoire des Shadoks qui pompaient : deux sondes géothermiques sont enterrées à 100 m de profondeur suite à un forage. Elles sont reliées à une pompe à chaleur. La température du sol est de 16-17°C. La régulation thermique est assurée par un plancher chauffant rafraîchissant selon la saison.
Une ventilation double flux dotée d’un échangeur rotatif permet de moins chauffer ou de rafraîchir car l’air qui y entre est moins froid ou moins chaud que l’air extérieur. Afin que le système ne consomme pas en continu des détecteurs de présence associés à la ventilation ont été installés dans la cuisine et la salle de formation. La détection automatique s’avère inutile s’il y a des allées et venues dans une pièce. Le toit photovoltaïque est discret pour raison esthétique. Il permet la production d’électricité. L’électricité produite est entièrement injectée sur le réseau Enedis et vendue à EDF. L’électricité consommée est achetée auprès d’Enercoop, coopérative fournisseur d’électricité 100
% renouvelable. Il s’agit d’un circuit court entre la production et la consommation. La coopérative regroupe ainsi des producteurs d’énergies exclusivement renouvelables (petite hydraulique, éolien, photovoltaïque, biomasse) et des consommateurs. Izuba énergies est sociétaire de la coopérative régionale Enerccop Occitanie.
Si vous avez suivi jusque là, vous pouvez continuer, sinon recommencez… Vous pouvez aussi faire une pause détente thé ou café pour vous préparer à lire la suite !
A l’extérieur avec les petites fleurs
Il n’y a pas de récupérateur d’eau. La végétation se compose de plantes locales ne nécessitant pas d’arrosage. Le bâtiment est équipé de prises de recharge pour véhicule électrique.
Aspects de la réglementation, label, nomenclature
Pour avoir des exigences chiffrées il faut une période d’expérimentation. Depuis 2016, un suivi expérimental accompagne les bâtiments Bepos (bâtiment à énergie positive) et bas carbone. La réglementation établit un standard et constitue un garde-fou. Le calcul de critères environnementaux est obligatoire. Un logiciel de conception est plus précis. La réglementation ne prend pas en compte les besoins spécifiques alors que le travail de conception si. A noter qu’en 2020 la réglementation sera encore environnementale et davantage énergétique. Le label E+C « (Énergie Positive et réduction Carbone) pour la future RE2020 (Réglementation Environnementale 2020) décrit des bâtiments et logements construits dans la recherche permanente de limitation des GES (gaz à effet de serre).
De la naissance à la mort, de la création au recyclage
Les labels, les certifications environnementales intègrent de plus en plus souvent l’outil de mesure ACV (analyse du cycle de vie) . L’ACV est une méthode d’évaluation normalisée (ISO 14040 et 14044) permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d’un système (produit, service, entreprise ou procédé) sur l’ensemble de son cycle de vie. L’analyse du cycle de vie a été effectuée avec le logiciel «novaEequer » qui évalue douze indicateurs environnementaux pour toutes les phases de la vie du bâtiment ou du quartier (construction, utilisation, rénovation, démolition) à partir de la base de données d’impacts environnementaux. Les labels formulent des exigences, des critères précis par exemple une tolérance de 2,3 % d’inconfort.
Voici d’autres chiffres pour illustration :
Le besoin de chauffage est exprimé en kWh/m2 Un bâtiment est passif en deçà de 15kWh/m² en chauffage. Le bâtiment Izuba est sur-isolé ce qui diminue son besoin en chauffage. Le calcul d’un critère plus global le CEP (Coefficient d’énergie primaire) va permettre de valider l’attestation de fin de chantier. Le Cep PROJET doit être inférieur au CEP maximal défini par la réglementation.
Valeur projet | Valeur maximale réglementaire | |
CEP hors PV
Coefficient d’énergie primaire hors photovoltaïque |
44,7 | 161,5 |
Le Cep est l’une des trois exigences de la RT 2012 (réglementation thermique en vigueur). Ce coefficient représente la consommation conventionnelle d’énergie primaire d’un projet, portant sur les consommations de chauffage, de refroidissement, d’éclairage, de production d’eau chaude sanitaire et d’auxiliaires (pompes et ventilateurs).
Très technique et complexe, je l’admets ! Tenez bon encore quelques lignes…
L’acronyme BEPOS désigne un bâtiment à énergie positive, le calcul est effectué sur l’année. Au réel heure par heure le bâtiment n’est pas autonome. Le réseau électrique est nécessaire. Largement plus performant que la réglementation actuelle et que le niveau du label Bepos-Effinergie, cette approche montre que le bâtiment est à “énergie positive intégrale” : sa production par les énergies renouvelables fait plus que compenser la totalité des consommations d’énergie nécessaires à la réalisation du bâtiment (énergie grise), à son utilisation (tous usages) et aux transports des utilisateurs entre leur domicile et le lieu de travail.
La durée indicative de vie prévue pour le bâtiment se situe aux alentours de 80 ans. Actuellement le logement collectif est plus favorable que le tertiaire à ce type de construction.
Combien coûte la construction d’un tel bâtiment ?
Le coût de cette construction est actuellement supérieur de 20 % avant exploitation. Ce surcoût sera compensé ultérieurement au cours de la vie du bâtiment. En général le prix d’une construction est fonction de l’usage. Le coût total s’élève à 1,5 M € soit 1850€ HT/m², minoré par trois aides publiques :
- ADEME habiter en Languedoc Roussillon (année 2014) 57 336 €,
- La Région 54 489 €
- une aide Immobilier Entreprise : 60 000 €.
La formule magique du mystère technique énergétique
Positionnement adéquat sur le terrain + matériaux au maximum locaux + récupération transformation de l’énergie solaire+ isolation + géothermie + circulation de l’air dans le bâtiment+prévision du recyclage+technologie ad hoc+ facilitation des modes de transport doux ou électriques = production excédentaire d’énergie.
Elle n’est pas belle cette équation ? En tous les cas, le bâtiment prometteur pour l’avenir présente de réelles qualités d’esthétique et de confort.
Glossaire :
– Bioclimatique : Se dit d’un habitat dans lequel la climatisation est réalisée en tirant le meilleur parti du rayonnement solaire et de la circulation naturelle de l’air.
– Matériau biosourcé : Matériau issu de la biomasse d’origine animale ou végétale. Dans le bâtiment, les matériaux biosourcés les plus utilisés sont le bois, la paille, la chènevotte (chanvre), la ouate de cellulose, le liège, le lin et la laine de mouton. On parle parfois aussi de biomatériaux ou
d’agro-ressources.
– Scop : Société COopérative de Production
– BEPOS : Bâtiment à Énergie POsitive
– BDO : Bâtiment Durable Occitanie.
– Bbio : Besoin bioclimatique
– ACV : Analyse du Cycle de Vie
– RT : Réglementation Thermique pour la construction.
– RE : réglementation énergétique pour la construction
– PV : PhotoVoltaïque
– GES : Gaz à Effet de Serre
Pour en savoir plus : https://batiment.izuba.fr
Patricia Fosse